A propos de la possibilité d'adoption nouvellement donnée
aux couples mariés homosexuels, j'avais déjà écrit dans les réseaux sociaux que
cette possibilité serait difficilement applicable, que ce soit en France ou à
l'étranger.
Je prends le temps de développer dans un article.
Avant le vote du mariage pour tous, que disait la loi ?
Depuis 1966, le code civil permet l'adoption à "deux
époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et
l'autre de plus de vingt-huit ans", mais précise (art. 343.1) que
"l'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de
vingt-huit ans".
Il était donc juridiquement possible à un célibataire
d'adopter, même si concrètement c'était difficile, les services sociaux préférant
souvent confier les enfants à des couples mariés.
Mais chaque année quelques dizaines de
célibataires adoptent donc.
La loi ne tient pas compte de la sexualité de
l'adoptant. Un couple homosexuel pouvait alors adopter, mais seulement au nom
de l'un des deux conjoints, en tant que célibataire, l'autre conjoint ne
disposant donc d'aucun droit sur l'enfant.
Avec le mariage pour tous, les couples mariés de même
sexe peuvent de fait postuler à l'adoption. L'adoption de l'enfant de leur conjoint ou entreprendre une procédure d'adoption d'un nouvel enfant dans le couple.
Seulement le nombre d'enfants légalement adoptables en France est faible
(faible nombre d'enfants nés sous X ou retirés à leur famille par les services
sociaux et légalement adoptables) et les procédures sont complexes.
Adopter en FRANCE
Les adoptions se font surtout pour les pupilles de
l’Etat, ce sont les enfants que l’on appelait autrefois « de l’assistance
publique ». Il s’agit d’enfants recueillis par les services de l’Aide sociale à
l’enfance (ASE). Ils n’ont plus de parents soit parce qu’ils ont été
abandonnés, soit parce qu’ils sont orphelins ou ont été placés par un juge qui
a déchu les parents de leur statut.
Mais, parmi les pupilles de l’Etat, tous ne sont pas
adoptables. Chaque année, seulement un enfant sur trois est placé en vue de son
adoption. L’âge de l’enfant, son état de santé ou sa place dans la fratrie
justifient son non-placement en vue de l’adoption.
Très peu de nouveaux nés sont
également adoptables, la plupart du temps ce sont surtout des grands enfants avec un
passé familial douloureux.
En 2011, on comptait en France 27 000 couples ayant déposé une
demande d'adoption valide (9000 nouvelles demandes par an) pour 600 enfants adoptables en
France chaque année...
En 2012, 1 569
enfants ont été adopté sur le territoire français. Ce qui signifie que 25 431
couples mariés, triés sur le volet, ne peuvent pas adopter en
France !
Sur les 25 431 couples restant, seuls 1600 couples auront la
chance d'arriver à adopter un enfant à l'étranger et ce déséquilibre entre
l'offre et la demande va en augmentant chaque année, car les pays étrangers
tendent de plus en plus à privilégier les adoptions nationales.
Couples triés sur le volet ?
Oui, car être parent postulant à
l'adoption est un véritable parcours du combattant qui laisse de nombreux
candidats sur le chemin.
Pour pouvoir adopter il faut avant tout être titulaire du
sésame ultime : l'Agrément !
La demande d'agrément se dépose auprès du service
départemental d'aide sociale à l'enfance, placé sous la direction du président
du Conseil général du département de résidence. Un questionnaire est remis
au(x) candidat(s) lors d'un premier entretien. Dans les 2 mois suivant cette
demande, les candidats à l'adoption reçoivent une information détaillant les
modalités de l'adoption. Puis les candidats doivent confirmer leur demande
d'adoption, au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception dans
laquelle ils rappellent leurs attentes et leurs motivations, accompagnés de
nombreux documents officiels : livret de famille, casier judiciaire, certificat
médical, attestation de ressources etc....
Une enquête est alors diligentée par le président du
Conseil général pour apprécier les possibilités d'adoption des candidats :
conditions d'accueil et de vie, capacité éducative, évaluation psychologique...
Cette enquête est réalisée au moyen d'une série d'entretiens : 2 entretiens
avec un psychologue et 2 avec un éducateur au domicile du candidat. La
procédure dure entre 9 mois et 1 an, délai au bout duquel les candidats à
l'adoption se voient remettre le précieux sésame à l'adoption : l'agrément, qui est accordé pour 5 ans.
Mais
attention, chaque année, de nombreux
candidats à l'adoption se voient refuser l'agrément (67 % obtiennent
l'agrément), si les services sociaux ne jugent pas le cadre de vie suffisamment
stable ou si les parents sont trop fragiles pour assurer la bonne éducation d'un enfant
qui a été abandonné par ses parents biologiques.
Tout enfant a besoin d'attention, d'amour, de stabilité,
c'est encore plus vrai pour un enfant adopté qui a commencé les premiers mois
ou premières années de sa vie dans un orphelinat, avec une attention collective, sans l'amour exclusif de ses
parents dans le cocon familial rassurant qui lui permet de se construire
sereinement.
On peut s'en douter, les services sociaux sont plutôt
favorables à confier un enfant à un couple marié hétérosexuel. Car même si le
mariage entre deux personnes du même sexe est maintenant légal et deviendra au
fil du temps banalisé, les services sociaux privilégieront un cadre classique
composé d'un papa et d'une maman afin de ne pas accentuer les différences. Car être adopté c'est déjà une différence avec laquelle l'enfant devra grandir et se construire. Et ce n'est pas toujours simple.
2e alternative : adopter à l'étranger
Un parcours du combattant, très long et compliqué
Les chiffres d'enfants étrangers adoptables à l'international baissent chaque année. En 2012, 1569 enfants
d'origine étrangère (contre 4000 en 2006) ont été adoptés par des couples ou
célibataires français.
Les pays ratifient peu à peu la convention de La Haye de
1993, qui incite les pays d'origine des enfants à ne les confier qu'en dernier
recours à l'adoption internationale. Avec la convention, le recours à un
organisme agréé pour l'adoption (association ou autorité publique) est
obligatoire. Ces organismes sélectionnent les dossiers et privilégient les
profils les plus favorables et conformes aux attentes des pays.
Chaque pays a
défini des profils précis "d'adoptant idéal" et les profils deviennent deviennent de
plus en plus restrictifs. Haïti est ainsi désormais fermée aux adoptions
individuelles. Pour adopter aux Phillipines il faut être catholique pratiquant, le prouver par des certificats et avoir plus de 40 000 dollars de revenu annuel.
Les pays imposent également des minimum et maximum d'âge, des revenus minimum, la fourniture de certificats de bonne moeurs.
En Chine, il faut avoir entre 30 et 50 ans et un revenu de 30 000 dollars par an minimum, les 2 parents doivent travailler et être diplômés.
Les pays imposent également des minimum et maximum d'âge, des revenus minimum, la fourniture de certificats de bonne moeurs.
En Chine, il faut avoir entre 30 et 50 ans et un revenu de 30 000 dollars par an minimum, les 2 parents doivent travailler et être diplômés.
Certains pays, comme la Chine ou le Vietnam, exigent déjà
des "attestations de non homosexualité" pour les familles adoptantes.
La Russie a annoncé que l'ouverture du mariage et de
l'adoption aux couples homosexuels en France et au Royaume-Uni "réduirait
les possibilités" pour leurs ressortissants d'adopter des enfants russes.
D'autres pays, comme Haiti ou Madagascar, ont carrément
inscrit dans les conditions officielles relatives au profil des adoptants, que
l’adoption n'est ouverte qu'aux couples mariés hétérosexuels (10 ans de mariage
exigés). De nombreux pays suivront cette démarche.
De plus en plus de pays, comme la Chine, le
Vietnam ou le Brésil, voit leur niveau de vie augmenter et proposent de moins
en moins d'enfants à l'adoption internationale, privilégiant les adoptions
nationales.
Les profils des enfants candidats à l'adoption ont
également changé : d'âges relativement élevés (plus de 3 ou 4 ans), malades,
handicapés ou issus de fratrie, les enfants "à besoins spécifiques"
sont de plus en plus nombreux parmi les enfants proposés à l'adoption.
Tous ces multiples critères font de l'adoption légale pour les couples mariés homosexuels, une illusion.
MC Brajard
Maman d'une petite Rose adoptée au Cambodge
Source :
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