mardi 17 avril 2012

Année scolaire 2001-2002 (Maternelle moyenne section)


Valentin a 4 ans. Il va deux demi journées par semaine à l'école maternelle en moyenne section.   

En plus de ces 2 demi journées de classe, Valentin a 3 séances d'orthophonie par semaine. J'ai enfin trouvé une nouvelle orthophoniste, Lara, qui connait bien l'autisme. Elle a travaillé à l'hôpital Robert Debré et n'est pas du tout perturbée par l'agitation et le manque d'attention de Valentin. Les premières séances ont été très difficiles, Valentin refusant de travailler. Il était très agité. Il a fallu plusieurs semaines d'adaptation pour qu'il accepte d'entrer dans son cabinet et de rester dans la salle. Il arrive encore certains jours qu'il refuse d'entrer dans l'immeuble et se roule par terre en criant. Parfois c'est dans l'ascenseur, il ne veut pas en sortir. Je suis obligée de le trainer de force dans le couloir. Toute le monde nous regarde.

Petit à petit Lara va apprivoiser Valentin. Pendant les premières séances elle fera des jeux avec lui en étant assise par terre avec Valentin entre ses jambes et en lui tenant la main pour jouer.

Une éducatrice spécialisée en autisme, Nathalie,  vient le faire travailler à la maison d'abord une fois par semaine puis deux fois par semaine. La séance de travail est très structurée. Elle contient 5 ou 6 activités variées, qui se succèdent avec des temps de pause minutées pendant lesquelles Valentin peut se défouler. Tout est précisé sur une feuille avec des picto. Valentin sait dès le départ quelles activités vont se succéder. Il barre au fur et à mesure. La séance se termine toujours par une activité récompense : une promenade, un tour de manège, une vidéo....



Timer : visualiser le temps restant de la séance


Fiche de travail
 

 

 


 
Mettre une histoire dans l'ordre

Mettre une histoire dans l'ordre


2 matinées de classe, 3 séances de 30 mn d'orthophonie et deux fois 30 mn avec une éducatrice ne remplissent pas la semaine. Afin de souffler et de travailler la sociabilisation de Valentin je me suis mise en quête d'une halte garderie. J'ai appelé toutes celles de notre quartier mais aucune n'a accepté d'accueillir Valentin à cause de son handicap. J'en ai parlé avec une association qui m'a donné une liste d'une dizaine de halte garderies dans Paris, référencées pour accepter des enfants handicapés. Je les toutes appelé, j'en ai visité 3 mais aucune n'avait de place disponible et de longues listes d'attente. Malgré tout à force d'insistance, le contact est bien passé avec une des garderies dans le 12e. La directrice me propose de prendre Valentin 1H par semaine.
Cette halte garderie spéciale et formidable accueille des enfants handicapés et des enfants sans problèmes. Valentin y apprend à mieux appréhender les situations de jeu avec ses petits camarades et à se sociabiliser. Donc, une fois par semaine, je fais une heure de trajet aller et 1 heure de trajet retour en bus pour que Valentin aille pendant 1 heure dans cette garderie.  1 heure c'est court, impossible de programmer une activité pour moi. Je reste donc dans le quartier et j'attends dans une brasserie en prenant un café.

Valentin avait également besoin de séances de psychomotricité. Nous avons contacté un psychomotricien en libéral à Vincennes. Valentin y allait pour une séance tous les samedi matin.

Pendant la séance j'attendais dans la salle d'attente. A chaque séance, soit je n'entendais rien dans la salle, soit j'entendais Valentin faire n'importe quoi, pousser des cris, faire tomber des objets mais pas un mot du psychomot. Après 3 séances j'en parle au psychomot en lui demandant ce qu'il lui faisait faire, si tout se passait bien. Il me répond qu'il n'a pas à se justifier sur le contenu des séances. J'insiste et la réponse nous a sidéré : "Valentin doit prendre conscience de son corps, je ne dois pas l'influencer, je le laisse prendre conscience seul des objets".

Ce fut la dernière séance avec ce psychomot, nous ne sommes jamais revenus.

Après plusieurs mois, j'ai trouvé un centre dans le 15e qui proposait des activités d'éveil du corps et du langage aux enfants de 2 à 6 ans présentant des retards d'apprentissage. Valentin était intégré dans un petit groupe de 4 enfants avec des troubles variés. L'équipe du centre était très porté sur la psychanalyse malheureusement. La couleur était affichée dès la salle d'attente. On pouvait voir de nombreuses affiches de conférences de psychanalystes ou de groupes de paroles de parents encadrés par des psychanalystes,  sur les murs de la salle d'attente.  Mais les activités de groupe étaient stimulantes et faisaient progresser Valentin. Il en tirait un bénéfice. Il suffisait d'éviter de trop discuter avec la directrice et l'équipe sinon on était effrayé par leur discours psychanalytique.

Deux fois par mois, nous rencontrons le pédopsychiatre de l'hôpital Robert Debré avec qui nous faisons le point.

 

Comment se déroulent les journées de Valentin à la maison ?


Ces journées sont une succession de temps de stimulation et de reéducation. Chaque instant, chaque activité de loisirs et aussi un temps éducatif. Je stimule le langage, le contact visuel, j'organise son environnement et son emploi du temps avec des supports visuels. J'utilise les techniques ABA pour corriger ses problèmes de comportement : renforcement des bonnes actions et ignorer les mauvais comportements.

A 4 ans Valentin ne sait pas jouer aux petits jeux classiques des enfants de son âge : loto, domino, cochon qui rit, jeu de l'oie... ni même empiler ou emboiter des cubes ou des legos.
Il ne sait pas jouer avec un camion, des voitures, un train, une dinette. Je dois tout lui apprendre en lui montrant comment faire en le faisant moi même, puis ensuite en le faisant jouer à son tour en lui tenant la main  en guidance. Il a fallu 1 mois d'entrainement quotidien pour lui apprendre à jouer au jeu de l'oie.
Jouer à faire semblant n'a pas de sens pour lui.

J'ai appliqué à la maison ce que l'orthophoniste lui faisait faire lors des séances pour le motiver à utiliser le langage pour communiquer. Nous avons commencé en utilisant les pictos. Valentin nous apportait le picto de l'objet ou de l'activité souhaitée.





Nous avons associé le mot au picto et stimulé Valentin pour lui faire répéter le mot correspondant au picto. Petit à petit nous avons pu abandonner les pictos pour le langage. Nous les avons conservé pour l'emploi du temps visuel et la fiche de travail.

Exemple :
Valentin voulait un verre de lait, il sortait la bouteille du frigo, la posait devant moi sans parler et attendait.


Je lui demandais en prenant son visage avec mes mains pour qu'il me regarde quand je parle "tu veux boire du lait ? alors tu dois me le demander en parlant ... il faut dire "maman je veux du lait " allez Valentin répète après moi : "maman, je veux du lait".


De notre côté avec mon mari, nous avons complètement modifié notre façon de vivre, toute communication était exagérée, très théâtrale à la limite de la caricature, nous étions des modèles pour Valentin. Tout était formalisé par des phrases courtes et claires pour Valentin.
A table, je disais à mon mari " j'ai envie de riz, s'il te plait Dominique, tu peux me servir de riz"....


On a fait ça pendant des mois, et pour tout, sans jamais cesser.
Au départ il ne réagissait pas et puis à force, petit à petit, il a fait comme nous.
Au départ il disait juste "du lait" et petit à petit on est arrivé à lui faire construire des phrases simples : "Valentin veut du lait", puis "je veux du lait".


Il a appris à le faire mais il faut sans cesse lui rappeler, sinon sa tendance naturelle est de ne pas parler.


Entre temps, nous avons ajouté les formes de politesse "s'il te plait" et "merci maman". Enfin, il faut souvent lui rappeler... On a appelé les formules de politesse  "la phrase magique" et quand il ne fait pas de phrase complète pour demander, on lui dit :
"je ne comprends pas ce que tu dis Valentin, il faut faire la demande avec la phrase magique pour que je comprenne"
et on obtient alors un timide : "maman s'il te plait tu me donnes du lait"
là on le félicite, en utilisant un ton réjouit, en le regardant dans les yeux, avec un large sourire de bonheur, pour sa superbe phrase par un magistral "bravo Valentin, ca c'est une belle demande, ca me fait vraiment plaisir quand tu fais des belles phrases".


En cours de route on a également associé à toutes ces demandes qu'il fallait qu'il nous regarde, car bien sûr il ne fixait pas le regard, il regarde toujours ailleurs.


De la même façon nous l'avons encouragé et félicité pour la propreté.


Dans notre vie de tous les jours du matin au soir, tout est sujet à apprentissage : connaitre les noms des choses, les couleurs, dénombrer, savoir si un aliment se mange cru ou cuit etc... j'associe Valentin à tout : préparer la liste des courses, faire les courses, mettre les aliments sur le tapis roulant, payer, mettre la table, débarrasser la table, mettre le courrier dans la boite aux lettres, faire sa toilette en indiquant le noms sur le corps "le bras, le coude, la cuisse etc..., les numéros sur les lignes de métro, combien de station sur le trajet, les numéros sur les bus, on monte, on descend l'escalier etc...


Tout nous sert de support dans la vie de tous les jours pour travailler : on descend un escalier, je lui fais remarquer que nous sommes en train de descendre, idem pour monter, et les notions de rentrer/sortir, devant/derrière ("oh tu as vu le bus 21 est derrière le bus 62"), il fait froid/il fait chaud. Il ne se passe pas une minute sans un apprentissage.


Le bus arrive et je lui dis "ah c'est le 57 qui arrive, c'est LE NOTRE" ou "ah c'est le 67, et ce n'est pas le notre". On travaille en permanence les notions de "le notre, le tien, le mien, c'est à moi, à toi, mon, ton, son" ainsi que le "je" ou le "moi" en se frappant la poitrine pour signifier que le "je" c'est lui.


Si je lui donne une pomme, je ne me contente pas de lui tendre la pomme, systématiquement je vais dire : "tiens c'est TA pomme, je TE la donne, c'est pour TOI" et si en même temps je mange un kiwi, je vais lui dire "MOI je prend un kiwi, le kiwi c'est pour MOI"...


Valentin a de gros problèmes de repérage dans le temps et dans l'espace.
Nous avons beaucoup de mal avec les problèmes de repérage dans le temps. Il n'a aucune notion des saisons, des jours de la semaine, du matin et du soir, de l'ordre des activités dans une journée, des notions de tôt et tard, avant/après ou de ce qui va arriver dans 1 heure ou dans un mois ou que Noel est en décembre et pas demain alors que nous sommes en juin.


Pour l'aider nous avons mis en place un emploi du temps visuel de la semaine avec des photos de chaque intervenant et des pictos des événements ainsi qu'un tableau de déroulé d'une d'année, mois après mois avec les photos des dates importantes : anniversaires, Pâques, Noël ...





 





Tout évènement nouveau dans son emploi et suffisamment important va le perturber et déclencher chez lui une angoisse qui va se manifester par des problèmes de comportements.


Pour éviter cette angoisse inutile, j'essaie de tout lui dire avant et si c'est possible de l'intégrer dans son emploi du temps : une visite à la maison de quelqu'un qu'il ne connait pas, un départ en WE, une sortie, un RV chez un nouveau médecin etc... tout est longuement expliqué avant. 


Pour les manifestations importantes et fortes en émotion difficiles à gérer comme Noel, anniversaire, départ en vacances, nous faisons un rétro planning une semaine avant avec des photos de l'événement au bout de la semaine.
Valentin apprend à faire un gâteau

  



Chaque matin nous regardons la date du jour, Valentin enlève la petite feuille de la veille et nous regardons ensemble le programme du jour sur son emploi du temps.


Apprentissage du jeu, de la lecture, des sentiments, des catégories, de l'écriture et du dessin


Je lui apprends également à jouer : jeu de l'oie simplifié, marionnettes, dinette, marchande, légo, pâte à modeler, loto, domino, cartes, jeter les dés, etc.. il apprend également avec ces jeux à attendre son tour ("à toi, à moi, c'est mon tour, c'est ton tour .."). Au départ, il restait passif ou jetait les jetons par terre. Chaque jour nous avons fait une partie. Je lui promettait un incitateur (dans son cas un chocolat) s'il finissait la partie. Quand c'était son tour, je tenais sa main pour qu'i avance le jeton de l'oie. 

 






  





Nous lisons des livres et il doit commenter les images ou me dire quels sont les sentiments qu'on peut lire sur le visage des personnages : "il est content le petit garçon ... ?.... non il est triste..." 

J'ai découpé des visages expressifs dans les magazines, des objets, des aliments, des animaux ect... toutes sortes d'objets et je fais faire des classements à Valentin ou à reconnaitre les sentiments selon les visages et à classer les photos par catégorie (objet, personne, animal, plante etc..). 

Classement : homme/femme ou triste/souriant ou 1 personne/2 personnes


Apprendre à classer les images par genre : humain, objet, fruit....

On lui a appris aussi a ressentir les sentiments, à comprendre ce que voulait dire "être triste, aimer, avoir mal", ect... La grande récompense c'est la première fois qu'il nous a mis les bras autour en faisant un bisou et en disant "je t'aime". depuis il le fait tout le temps et avec beaucoup de spontaneité. Mais avant il pouvait lui arriver de rire en me voyant pleurer de tristesse ou quand je me faisais mal. Il ne comprenait pas et ne savait pas décoder les sentiments.


Reéducation du comportement :
Nous avons mis en place un tableau affiché dans le couloir, une feuille par semaine, avec une case par jour et deux colonnes : les bonnes actions et les mauvaises. 



La récompense







L'objectif est de gommer les nombreux problèmes de comportement en ignorant le plus possible les mauvais comportements pour ne pas y accorder d'importance et ne pas stimuler Valentin à recommencer et renforcer les bons comportements en le félicitant.


Quand il fait un bon comportement, même une petite action comme utiliser sa fourchette pour manger et pas les mains, faire une demande avec une belle phrase spontanément, il est alors fortement félicité et il a un petit rond vers dans la colonne des petits bonhommes verts avec un sourire.


Quand il fait une bétise, refuse d'obéir etc...on essaie de ne pas crier (c'est dur....) et il a un bonhomme rouge qui fait la gueule dans la colonne rouge. S'il a fait une bétise on le fait participer à la réparation.


Selon la semaine on définit ce qui servira de récompense. S'il y a trop de bonhomme rouge la récompense saute. 


Gestion des moments de fête : Noel, anniversaires

Valentin n'aime pas les surprises. Pour que Noël ne soit pas un moment horrible nous faisons ensemble sa liste au Père Noël en allant dans les magasins avec lui choisir les cadeaux qui recevra à Noël. Ainsi il n'est pas déçu en ouvrant les paquets, il retrouve que qui était prévu.








Dessins de Valentin









Du côté de l'école les rapports entre l'Education Nationale et moi sont toujours aussi tendus. Les enseignants ne font rien pour prendre en compte la différence de Valentin. Cette année là, la maitresse Valentin refusera de l'avoir dans sa classe. Elle fera même du chantage auprès de sa hiérarchie menaçant de se mettre en arrêt maladie jusqu'à la fin de l'année scolaire si Valentin n'est pas mis dans une autre classe après les vacances de Noël. J'ai appris par la suite, par l'AVS, que cette maitresse criait à longueur de journée sur Valentin le menaçant de l'enfermer dans un placard s'il n'obéissait pas aux consignes. Je comprends pourquoi il était en crise chaque soir.
A la rentrée de janvier, Valentin s'est donc retrouvé dans une autre classe avec une nouvelle maitresse. Ce 2e trimestre a été très difficile. Valentin a du se faire à ce nouvel environnement : nouvelle salle de classe, nouvelle maitresse, nouveaux camarades.


Relais de notre colère dans les médias :

A Noël nous avons fait paraitre un article dans le journal 20minutes pour manifester notre colère sous la forme d'une lettre au Père Noël : Tu m'apporteras une école qui veut bien de moi !








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