mardi 17 avril 2012

Le diagnostic en mars 2001

Le diagnostic : mars 2001 (3 ans 1/2) - Hôpital Robert Debré à Paris
 

Pendant une semaine, je me suis rendue tous les matins avec Valentin à l'hôpital Robert Debré.
Il est accueilli par le personnel du service qui le prenait en charge toute la journée, y compris sur le temps de déjeuner à midi et le goûter. Plusieurs enfants étaient également en bilan dans le service en même temps ce qui permettait d'étudier les interactions entres les enfants.

Déroulement du bilan de Valentin

5 jours de 9H à 17 H dans un service spécialisé dans l'accueil des enfants TED où est tout est aménagé pour eux.
Ils évoluent au sein d'un groupe d'enfants de leur tranche d'âge ce qui permet de voir comment se passe leurs réactions en groupe, les interactions etc..
Pendant cette semaine, il est passé entres les mains de plusieurs professionnels spécialisés qui lui ont fait passer des tests : psychomotricienne, orthophoniste, psychologue, éducatrice. Chacune a réalisé un bilan dans sa spécialité et ensuite elles ont mis en commun leur constatations pour en tirer des conclusions. Tout cela se fait selon des grilles de comportement par âge.
Il a eu également des tests biologiques : electroencéphalogramme, prise de sang pour examen génétique afin de dépister d'éventuels maladies génétiques connues comme le Xfragile. Une généticienne la examiné pour vérifier certains traits physiques particuliers à certaines maladies.
Tout au long de la semaine les éducatrices qui encadrent les enfants les font jouer et examinent leurs réactions. Idem pour les temps de repas, tout est sujet à examiner leur comportement. Tout est noté et commenté en équipe.

Après 5 jours l'équipe était arrivé aux conclusions, le diagnostic est tombé.

Nous nous attentions à ce qu'on nous dise que Valentin était THADA, ce qui nous parraissait déjà terrible. Quand je suis venue chercher Valentin à 16H on m'a fait entrer dans une salle. L'équipe voulait faire le point avec moi. Je n'étais pas du tout préparée à entendre ce qu'on allait me dire. La pédopsychiatre qui dirigeait le bilan a pris la parole pour me faire part de leurs conclusions. Rapidement elle m'a dit que Valentin était autiste. J'ai pris un coup de massue sur la tête. Ca me parraissait impensable. Nous n'avions pas pensé du tout à cette hypothèse. Pour nous nous Valentin était un bébé si vif, si joyeux. L'image que je me faisais d'un enfant autiste ne ressemblait en rien à Valentin. A dire vrai je savais si peu de chose de l'autisme. J'ai tout de suite demandé sur quoi ils s'appuyaient pour avancer un tel diagnostique. Chaque professionnel de l'équipe m'a alors raconté ce qu'ils avaient chacun constaté dans le comportement de Valentin et qui se rapportait à de l'autisme. En les écoutant, je voyais mon Valentin évoluer dans ma tête et je comprenais en quoi son comportement était celui d'un enfant autiste.

Je les écoutais au milieu des larmes. Ma vie venait de s'écrouler. Qu'allions nous devenir ?

Ce jour là, j'étais venue seule à l'hôpital, mon mari ne m'avait pas accompagné, je pensais qu'il s'agissait juste d'un petit point de fin de semaine. Je suis donc rentrée seule à la maison, en métro, avec Valentin qui me tenait la main et la nouvelle qui tournait dans ma tête. J'étais anesthésiée. Le trajet m'a semblé interminable. L'équipe de l'hôpital m'a dit de rentrer chez moi pour digérer la nouvelle et de revenir le lundi suivant avec mon mari pour rencontrer à nouveau l'équipe qui allait nous expliquer comment faire face.

Et je devais annoncer la nouvelle à mon mari et à ma famille...

La digestion de l'information a été difficile. Mal informés sur l'autisme, il ne nous semblait pas possible que Valentin soit autiste. 
Il a fallu du temps pour digérer l'information et sécher nos larmes. La chagrin a vite fait place à la colère.

Personne n'avait rien vu jusque là qui pouvait faire penser à de l'autisme. Ni le pédiatre, ni les psychologues et diverses médecins rencontrés ! Le pédiatre que j'ai rapidement appelé pour lui annoncer la nouvelle, n'en n'a pas cru ses oreilles. Mais comment tous ces professionnels de la médecine n'avaient rien pu voir ???

Nous nous sommes sentis très seuls et abandonnés.


La 2e semaine a été consacrée à commencer à travailler avec les professionnels de l'hôpital : orthophoniste, éducatrice spécialisée, psychologue etc....qui nous ont donné les conseils sur ce que nous devions faire avec Valentin comme travail à la maison pour corriger ses problèmes de communication.  Elles nous mettaient en évidence les dysfonctionnements. Petit à petit nous avons appris à identifier les problèmes.

Ce qui a été terrible, c'est de quitter l'hôpital à la fin de la semaine, seuls sans soutien, sans adresse précise de professionnels ou numéros de téléphone, juste un seul conseil, celui de rapidement prendre contact avec une association de parents et un titre de livre à lire sur l'autisme, un livre de Théo Peteers "L'autisme, de la compréhension à l'intervention" et puis la phrase choc qui nous a enfoncé : "Ne faites pas de projets ambitieux pour votre fils, il n'est pas sûr qu'il puisse apprendre à lire et à écrire un jour"

Les semaines qui ont suivi ont été consacrées à réaliser ce qui se passait et à comprendre. 
Le compte rendu écrit du bilan nous a été envoyé quelques mois après.

J'ai acheté le livre suggéré, j'ai commencé à le lire et je me suis plongée dans la recherche d'informations sur Internet. 

Nous étions seuls et avons eu un mal fou à nous organiser, à garder la tête hors de l'eau, à trier les informations. Nous étions assez abasourdis. 

Petit à petit nous nous repris, j'ai cherché des contacts d'autres parents dans la même situation pour ne pas resté isolés.

Je me suis inscrite à plusieurs groupes de discussion sur internet sur l'autisme et j'ai cherché les associations de parents. A l'époque, il y avait peu d'associations. J'ai dévoré tous les articles sur l'autisme que je trouvais sur Internet. Comme les associations, il y avait peu de sites sur l'autisme en français.

Dès l'annonce du diagnostique, nous avons prévenu l'école. Une réunion éducative a été organisée par la directrice et l'équipe a tout de suite réduit de moitié le temps que Valentin passait à l'école, sans nous demander notre avis. Il n'a plus été accepté à la garderie, ni à la cantine, ni à la garderie du mercredi, tous les instants de collectivité ont été immédiatement supprimés.

J'ai du abandonner toute vie professionnelle pour me consacrer uniquement à Valentin. Je venais d'accepter un nouveau poste de directrice de la rédaction d'un site web depuis quelques mois, j'ai du démissionner. Comment continuer un emploi à temps plein quand son enfant ne va plus à l'école que deux fois 2 heures chaque semaine et nécessite une prise en charge spécifique qui n'existe pas.

A force de recherche, j'ai fini par trouver une orthophoniste qui accepte de prendre Valentin, deux séances par semaine. Elle ne connaissait rien à l'autisme. C'était d'ailleurs son premier client autiste, mais elle avait de la bonne volonté pour tenter de le faire travailler, sans grand succès d'ailleurs Valentin ne tenait pas plus de 5 mn d'attention et encore et ne suivait aucune consigne. 

Puis la directrice de l'école m'a conseillé de prendre contact avec le CMPP du quartier qui me disait elle, pourrait me fournir les prestations dont Valentin avait besoin. J'ai donc pris contact avec le CMPP. Un premier rendez-vous a été fixé pour me rencontrer avec Valentin. Lors de ce premier rendez-vous, nous avons été reçu par un pédopsychiatre qui m'a demandé de lui exposer pourquoi nous venions consulter. A aucun moment il ne s'est interréssé à Valentin qui bougeait dans tous les sens dans le bureau. Je lui ai parlé du bilan fait à l'hôpital Robert Debré. A mon grand étonnement, celà ne l'a pas intérréssé du tout. Il a même répondu que d'après lui Valentin n'était pas autiste. Mais qu'en savait il, il venait juste de le découvrir pour la première fois et ne lui avait même pas adressé la parole. Pendant tout le reste de la consultation le psychiatre ne m'a posé des questions que sur ma vie, mon passé, mes parents, les relations avec mes parents. Puis il a m'a proposé de revenir pour une série de consultations. Moi seule, sans mon fils. Celà m'a agacé. Je lui ai fait remarquer, qu'il s'agissait de mon fils et non de moi. Il n'a pas répondu. Et s'est contenté de dire : au revoir, voyez avec ma secrétaire pour la date du prochain rendez-vous et m'a poussé vers la sortie, continuant à ignorer notre fils. Je suis partie très en colère et n'ai pas pris de 2e rendez-vous.

Quelques jours plus tard, j'ai reçu un appel de la psychologue scolaire me demandant des nouvelles de ce rendez-vous. Comment l'a t'elle su ? Elle m'a répondu sur un ton ferme que si je refusais ce suivi avec le CMPP mon fils ne serait plus accepté par l'école. Pendant les 3 années de maternelle je vais passer tout mon temps à lutter contre l'inspection Académique, le médecin et psy scolaire, les enseignants, la directrice de l'école qui ne pensent tous qu'à une seule chose : sortir Valentin du système scolaire ! Tout est bon pour me dissuader de continuer à le scolariser. L'administration ne me convoque pas aux réunions où les décisions sont prises. Quand je les oblige à me convoquer, ils me font venir quand tout est décidé pour le livrer leurs conclusions qui vont toujours dans le sens d'une orientation en IME.

Ces 3 années de maternelle seront 3 année de combat entre moi et l'administration pour maintenir Valentin dans le système scolaire et en dehors des griffes des psychanalystes très présents en tant que conseils et influents dans les commissions de CMPP ! Pendant ces 3 années je devrai faire appel régulièrement aux médias pour médiatiser ma colère et réclamer le maintien de Valentin à l'école.

Article dans le journal Le Monde 28 nov 2001

J'ai repris contact avec le CMPP et j'ai demandé à rencontrer un autre professionnel expliquant qu'il était hors de question que ce soit moi qui soit suivie mais mon fils qui avait besoin d'orthophonie, psychomotricité et d'un suivi éducatif structuré. On m'a répondu que ce n'était pas à moi de définir de quoi mon fils avait besoin et qu'une équipe allait le rencontrer pour définir les besoins.
Un rendez-vous a été fixé. Nous avons été reçu par un homme qui nous a donné son nom mais ne nous a pas dit s'il était médecin ou psychologue ou psychiatre ou que sais je encore. Il nous a fait entrer dans une pièce en expliquant que Valentin allait être filmé et que des professionnels regarderaient le film en direct depuis une autre pièce. Dans cette pièce il y avait quelques jouets. On m'a demandé de rester assise et de ne pas intervenir. De laisser faire Valentin. Pendant 30 mn Valentin  touché un peu à tous les jouets sans grand intérêt et sans m'adresser la parole. Puis le professionnel mystère est entré dans la pièce et m'a dit que c'était terminé et qu'ils allaient débriefer ensemble et reprendre contact avec moi.

15 jours plus tard, une secrétaire du CMPP m'a appelé pour proposer une date de rendez-vous.
Lors du rendez-vous, on m'a fait attendre dans une salle d'attente pendant une bonne trentaine de minutes. La salle d'attente était en fait un couloir qui donnait sur d'autres couloirs sur lesquels donnaient des salles aux portes ouvertes. Des bruits d'enfants qui criaient, grognaient, couraient d'une salle à l'autre m'ont interpelé. Après plusieurs minutes je me suis levée pour aller voir ce qui se passait me demandant pourquoi ces enfants étaient sans surveillance et faisaient n'importe quoi. En fait il y avait bien des adultes dans chaque salle mais aucun n'intervenait. Je le suis assise à nouveau très étonnée. Après 30 minutes j'ai entendu deux jeunes femmes qui parlaient dans le couloir disant que la séance était finie et qu'elle allait les enmener dans l'atelier peinture.
Le psychiatre, responsable du service m'a reçu dans son bureau. Il m'a expliqué que le centre acceptait de suivre Valentin tous les jours. A l'écouter il serait dans le service où j'avais vu les enfants aller et venir dans les couloirs, livré à eux mêmes, et pousser des cris. J'ai exposé au psychiatre mes doutes à ce sujet. Il m'a répondu que c'était normal, ils ne devaient pas intervenir et laisser les enfants réaliser d'eux mêmes le besoin de communiquer..... j'étais sidérée par cette réponse.
J'ai demandé des détails sur les thérapies dont mon fils allait bénéficier dans son service. Il m'a expliqué qu'il n'avait pas à me répondre sur ce point. J'ai demandé s'il aurait bien des séances d'orthophonie, de psychomotricité, de thérapies éducatives et comportementales dont j'avais entendu parler sur diverses webs. Le psychiatre a souri puis m'a répondu que ce n'était pas à moi décider du contenu du suivi et que je devais leur faire confiance. Au départ il disait que Valentin viendrait à temps plein tous les jours et n'iraient plus à l'école dans un premier temps. Je devais moi aussi venir une fois par semaine pour rencontrer un psychiatre.
J'ai répondu que ce n'est pas du tout ce que j'attendais comme prestation et j'ai quitté son bureau. Il m'a regardé partir en souriant. J'ai su après que j'allais payer cher ce refus puisque ce monsieur était aussi expert conseil auprès de l'inspection académique et que toute décision pour la scolarité de Valentin dépendrait de son avis. Toutes mes futures demandes concernant la scolarité de Valentin ont essuyé des refus, comme par hasard.

J'ai donc repris mon bâton de pélerin pour rechercher des professionnels compétents pour suivre Valentin.
Je continuais à accompagner Valentin deux fois par semaine chez son orthophoniste sans que les séances semblent lui apporter quoi que ce soit.

Au fil de mes lectures sur les webs et dans les forums de parents, je glanais des informations que je consignais dans un cahier sur les bonnes thérapies, les noms et adresses de professionnels que les parents se passaient entres eux, les associations de parents qui organisaient des rencontres, des groupes de paroles, les adresses d'écoles plus tolérantes à la différence, les informations sur les démarches administratives pour obtenir de l'aide financière et sur les procédures pour forcer l'école à accepter nos enfants. J'ai finis par remplir deux gros cahiers d'informations. 

Faute de trouver une place dans un centre adapté qui prend en charge la rééducation des enfants autistes en se basant sur les méthodes modernes (thérapies comportementales, environnement Teacch), déjà mises en oeuvre au Canada et aux Etats Unis, j'ai décidé de prendre en main moi même la reéducation de Valentin à temps plein.

En suivant les conseils de parents d'enfants autistes déjà passé par les mêmes étapes, les associations, j'ai appris à m'occuper de Valentin, pour le stimuler et corriger ses problèmes de langage et de communication, donner du sens aux mots, lui apprendre le fonctionnement social. J'ai accumulé les lectures de livre sur les techniques éducatives et suivi de stages de formation.

J'avais abandonné toute vie professionnelle pour me consacrer uniquement à Valentin : 24H/24 j'assurais la stimulation éducative de Valentin, cherchait des prises en charges adaptées et l'accompagnais à ces prises en charge.


J'étais à la fois éducatrice spécialisée et maman.


Des parents m'ont aiguillé vers une psychologue spécialisée dans les TED et très compétente qui avait monté son cabinet privé. Elle faisait passer des bilans complets et rédigeait des programmes éducatifs personnalisés pour chaque enfant. La facture était élevée mais dans la détresse où nous étions nous avons payé. Elle a fait passer un bilan éducatif complet à Valentin  (PEP-R). A partir du bilan elle a rédigé un programme éducatif personnalisé.
Le prix de la prestation était élevé mais de qualité et nous avons eu un programme très précis avec des pistes de travail inscrites dans un compte rendu de plusieurs pages. Une bonne base de travail pour moi et pour l'éducatrice.

J'ai fini par rencontrer sur internet dans un groupe de discussion sur l'autisme, une éducatrice spécialisée, Nathalie, qui s'était formée aux dernières techniques : ABA, Teacch, PECS. Elle travaillait en indépendant et intervenait à domicile dans les familles. Cette rencontre a changé notre vie et celle de Valentin. Grâce à elle nous avons pu mettre en place un environnement structuré à la maison et des séances de travail en se basant sur le compte rendu de la psychologue.

Une fois par semaine, puis ensuite deux, Nathalie venait à la maison faire travailler Valentin et me donner des conseils pour que je prenne le relais pour le stimuler. Nous avons mis en place un environnement structuré avec des pictos, un emploi du temps et des méthodes de travail rigoureuses pour le faire évoluer rapidement et corriger son comportement.

Nous avons dû complètement revoir notre façon de vivre en simplifiant tout pour que Valentin trouve plus facilement ses marques et faire baisser les troubles du comportement.

Nous avons structuré tout l'environnement de Valentin : emploi du temps visuel, programme de la semaine très structuré sans surprises, utilisation de supports imagés, suppression des sorties avec lui pour ne garder que ce qui n'allait pas le stresser.... Petit à petit il s'est calmé et j'ai réintroduis les changements au compte goutte pour lui apprendre à les gérer en douceur. 

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